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LIGNES

Ca rend sauvage l'écriture. On rejoint une sauvagerie d'avant la vie. Et on la reconnaît toujours, c'est celle des forêts, celle ancienne comme le temps. Celle de la peur de tout, distincte et inséparable de la vie même. On est acharné. On ne peut pas écrire sans la force du corps. Il faut être plus fort que soi pour aborder l'écriture, il faut être plus fort que ce qu'on écrit. [...]
L'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait rien de ce qu'on va écrire. Et en toute lucidité.
C'est l'inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n'est même pas une réflexion, écrire, c'est une sorte de faculté qu'on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d'une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d'en perdre la vie.
(Marguerite Duras, Ecrire)







Noyé dans la nuit, c'est le corps qui sombre. L'âme, elle, s'élève vers les étoiles.
(Nihil Messtavic, Sentences létales)







Dès l'instant où il participe à la conception initiale, première, d'une œuvre, le noir n'est plus neutre. Aussitôt il prend possession de son objet, en détermine simultanément le détail et l'ensemble. Couleur absolue, le noir exige la totalité, le don total, la nudité parfaite. [...]
Se retirer très loin en dedans. Hors d'un possible lieu. [...] Tout sentiment d'origine semble alors définitivement perdu. Il n'y a plus ni commencement ni fin. Le noir possède tout notre domaine. Il se fait terre, ciel, monde, univers, totalité et infini. Le noir n'est plus seulement égal à l'obscur ou au néant. Quelque chose s'est retourné, s'est inversé dans notre conscience. [...]
Or, le noir, dans son essence propre, réalise idéalement ce renversement de l'apparence. Ambivalent à loisir, et objet de la plus totale conversion, il permet de lier les deux pôles de la vision - externe et interne -, sans réserve ni rupture. Le noir est d'autant plus noir qu'il autorise une source de lumière ; et cette source est d'autant plus claire qu'elle s'extrait elle-même du noir le plus profond. Ainsi, le noir recouvre et dévoile simultanément la profondeur et l'étendue, et condense toute la gamme du visible sur le mode unique du don et de l'absolu. Il est, par excellence, la couleur qui, dans un parfait équilibre, articule ensemble l'apparition et la disparition, le clair et l'obscur, l'être et le néant. Seul maître à bord dans ce franchissement des limites, ou ce passage aux extrêmes.
(Jacques Laurans, Pierre Soulages, trois lumières)







Il y a dans cet acharnement du peintre à vouloir tout voir, même l'invisible, tout percevoir, même l'imperceptible, tout saisir, même l'insaisissable, une sorte de quête éperdue de ce que préconisait Giorgio de Chirico qui écrivait dans Metafisica dell'America : "Vie silencieuse. Ecouter. Entendre. Apprendre à exprimer la voix cachée des choses, voilà le chemin et le but de l'art".
(Pierre Brana, à propos de Piet Moget)







Résister. Au temps, à la faim, à l'ennui, aux ennemis, à l'isolement, à l'épuisement. Ce qui nous opprime est immense, mais "ce qui nous reste" est au moins aussi grand. Survivre, c'est la question. [...]
Le monde est triste, accablant. Les hommes se sabotent, errent et crèvent. Mais le monde est beau parce qu'il survit, parce qu'il dure. Oui, le monde est beau même là où rien ne pousse, pourvu que quelques-uns continuent de l'habiter et d'y semer, avec l'audace des désenchantés.
(Leos Carax, in Sharunas Bartas ou les hautes solitudes)







Celui qui aime vraiment la musique ne cherche pas en elle un abri mais un noble désastre.
(Cioran, Le Crépuscule des pensées)







Composer n'est pas ordonner le temps. Lorsque l'on compose, on n'ordonne pas les choses avec le temps mais à côté du temps. Ce que nous pensons comme un événement avant n'a guère plus d'importance que ce qui viendra après. Composer n'est pas démontrer, c'est inventer des impulsions et des flux : comme l'eau d'une rivière. Ca vient de plus haut, ça passe, l'on sait où ça va mais ça n'est pas cela qui nous préoccupe. La vraie question, c'est comment faire pour composer ce qui traverse. Composer, c'est inventer des chemins de traverse, des éloignements, des distances. C'est comme fuir et s'enfuir toujours. Composer c'est long. Et lent. Très lent. Très très long et lent... Ca n'avance jamais. C'est parce qu'on ne sait pas ce que ça va devenir. La question paradoxale, ça n'est pas d'achever mais comment ne pas finir. Composer c'est ne jamais finir. Ca prendrait beaucoup trop de temps de finir, c'est-à-dire, tout notre temps. Et pour autant, nous n'aurions jamais fini.
Pour composer, il est préférable d'attendre. Longtemps. C'est dans ce temps long, presque perdu (et qui se perd dans les détails de l'écriture), que se joue l'attente. Attendre, c'est trouver. Pour trouver, il faut perdre du temps.
(Pascal Dusapin, Une musique en train de se faire)







Quoiqu’il soit arrivé à la Recherche et à la Découverte dans les arts d’aujourd’hui, les artistes doivent se comporter en archéologues [...]. Ils devront revenir aux profondeurs de l’inconscient collectif pour découvrir ce que nous sommes. De ce rêve universel pourront émerger nos voix les plus personnelles et déterminées.
(E. Elias Mehrige)







Le but de tout art (s'il n'est pas "consommé" comme une marchandise) est de donner un éclairage, pour soi-même et pour les autres, sur le sens de l'existence, d'expliquer aux hommes la raison de leur présence sur cette planète, ou, sinon d'expliquer, du moins d'en poser la question. L'une des fonctions indéniables de l'art trouve son origine dans l'idée de la connaissance, où l'impression reçue se manifeste comme un bouleversement, une catharsis. [...]
L'absolu ne peut être atteint que par la foi et l'acte créateur. La condition absolue pour avoir le droit de créer est que l'artiste croie à sa vocation, qu'il refuse la compromission et qu'il soit prêt à servir. La création artistique exige de l'artiste qu'il soit prêt à "périr pour de bon" (Boris Pasternak), dans le sens le plus tragique de la formule. [...]
La culture de masse, destinée à des "consommateurs", dans notre civilisation toute en prothèses, rend nos esprits infirmes. Elle nous empêche de nous tourner vers les questions fondamentales de l'existence et de nous assumer en tant qu'êtres spirituels. Pourtant, un artiste ne peut rester sourd à l'appel de la vérité qui, seule, forge, organise sa volonté créatrice, et le rend capable de transmettre sa foi aux autres.
(Andreï Tarkovski, Le Temps scellé)











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